Immobilier : le cycle de hausse touche à sa fin

Chez les professionnels, le terme de retournement de marché reste tabou. Ils n’hésitent toutefois pas à évoquer la fin d’un cycle haussier… Tout en revendiquant pour la pierre un statut de valeur refuge. Analyse d’un marché en équilibre instable.

Prix encore en légère hausse (+ 0,8 % depuis le 15 mars), nombre de transactions en forte croissance, acquéreurs toujours présents. A première vue, l’immobilier a retrouvé sa dynamique d’avant-confinement… à quelques nuances près. « Certes, le marché est reparti dès le 11 mai. Mais, pas sur le même rythme qu’en début d’année », tempère Thomas Lefebvre, directeur scientifique de MeilleursAgents. Celui des tarifs, d’abord. Tandis que la capitale et les dix plus grandes villes de France enregistraient jusqu’à la mi-mars des augmentations mensuelles de prix de l’ordre de 1 %, cette pression haussière se tasse depuis le début de l’été avec des pointes désormais limitées à 0,5 % en moyenne (+ 2 % à Nantes depuis juin, + 1,3 % à Lyon, + 1,1 % à Strasbourg, + 1 % à Rennes…). Et encore… certaines d’entre elles semblent déjà marquer le pas. A l’image de Toulouse (- 0,4 % en trois mois), Montpellier (- 0,3 %) et surtout Paris dont les prix ont atteint un palier.

Alors que les tarifs dans la capitale avaient en effet augmenté de 5,1 % entre le 1er septembre 2019 et le 15 mars 2020, ils ont reculé depuis cette date de 0,4 % selon les données de MeilleursAgents. « Dans cette commune, tout comme en Ile-de-France de manière générale », souligne le président de la Fnaim, Jean-Marc Torrollion, « l’effet Covid reste encore très présent dans l’esprit des particuliers au sens où beaucoup d’entre eux sont encore contraints par leur entreprise à télétravailler. D’où une certaine prudence quant à la reprise de leurs projets d’achat et, donc, un attentisme de leur part peut-être plus important qu’en régions. »

Après l’euphorie post-confinement

Quant au volume de transactions, l’euphorie constatée dès la sortie du confinement avec près de 90.000 ventes supplémentaires entre juin et août par rapport aux chiffres observés l’année passée tend, là aussi, déjà à se calmer. « Il ne faut pas être naïf. Ce sursaut d’activité s’explique par un phénomène de rattrapage du marché lié à la signature définitive des opérations lancées avant le 17 mars, ainsi que par une volonté de certains acheteurs d’accélérer leur prise de décision par crainte d’une remontée des taux d’emprunt ou d’un durcissement des conditions d’accès au crédit », analyse Brice Cardi, PDG du réseau L’Adresse. Si l’heure semble donc désormais à un certain retour au calme , l’année 2020 s’annonce malgré ces rebondissements comme un très bon cru pour le marché immobilier. « Selon nos projections, ce sont près de 918.000 ventes qui devraient être signées à la fin décembre. Cela peut apparaître peu par rapport au 1,065 million enregistré l’an passé mais […] placerait malgré tout 2020 à un niveau comparable à celui de 2017, la troisième meilleure année en termes de volume de transactions », recontextualise Thomas Lefebvre. En cause ? Des conditions de financement encore particulièrement attractives avec des taux d’intérêt historiquement bas (1,25 % en moyenne en juillet toutes durées d’emprunt confondues d’après l’Observatoire Crédit Logement/CSA), un pouvoir d’achat immobilier qui n’a paradoxalement jamais été aussi élevé (76 m² en moyenne, soit 1 m² de plus qu’en septembre 2019), une durée de détention nécessaire pour rentabiliser son achat au plus bas (5 ans et 7 mois dans les dix plus grandes villes de France hors Paris contre 6 ans et 3 mois il y a tout juste un an selon MeilleursAgents) et surtout… un regain de confiance de la part des particuliers dans la pierre.

« Plus que jamais, l’immobilier retrouve son statut de valeur refuge. Dans cette période d’incertitudes tant sanitaire qu’économique, les Français cherchent d’abord à se rassurer. Or, être propriétaire de son ‘chez-soi’ a quelque chose de réconfortant mais aussi de tangible patrimonialement parlant. Cela explique en partie pourquoi, aujourd’hui, les particuliers ont envie d’immobilier », note Olivier Bokobza, directeur général de BNP Paribas Immobilier Résidentiel.

Erosion de la demande

Résilient, donc, le marché immobilier ? Oui, mais pour combien de temps s’interrogent les professionnels du secteur. Car, si tous écartent l’idée d’un retournement du marché, chacun s’accorde à parler d’un changement de cycle dans les mois à venir marqué par la fin de la hausse continue des prix telle que connue depuis cinq ans. La faute à une érosion de la demande qui ne devrait pas manquer d’intervenir d’ici l’été prochain, et qui commence déjà à se faire sentir dans certaines communes. A l’image, par exemple, de Lille qui, selon les indicateurs de tension immobilière de MeilleursAgents, comptait 33 % d’acheteurs de plus que de vendeurs en mars contre seulement 20 % aujourd’hui.

Parmi les raisons avancées pour expliquer cette contraction attendue : la hausse du taux de chômage d’ores et déjà annoncée par la Banque de France qui, dans son rapport du 9 juin dernier, anticipe un pic supérieur à 11,5 % à la mi-mai 2021.

Or, prévient Thomas Lefebvre, « tout accroissement du nombre de chômeurs se traduit mécaniquement par une baisse de la demande solvable et, par là même, du volume des candidats à la propriété ». Mais pas seulement… « la politique de durcissement des conditions d’octroi du crédit menée à l’heure actuelle par les établissements bancaires, dans la droite ligne des recommandations émises fin 2019 par le Haut Conseil de stabilité financière, tend à écarter du marché toute une frange de la population considérée comme fragile au profit d’emprunteurs disposant d’apports personnels conséquents et/ou de revenus élevés », poursuit Jean-Marc Torrollion.

Une situation capable donc de chahuter le marché mais dont l’ampleur ne devrait cependant pas entraîner d’effondrement des prix, rassure Brice Cardi. « L’offre reste encore limitée, voire se réduit encore avec une réticence visible d’une partie des vendeurs à mettre leur bien sur le marché. Sans compter la capacité de certaines grandes métropoles, connaissant jusque-là un excédent de demande, à amortir le choc. » Un avis partagé par les analystes de MeilleursAgents qui évoquent, pour leur part, un recul de 1 % des tarifs dans l’Hexagone d’ici à septembre 2021.

 

Source : https://www.lesechos.fr/patrimoine/immobilier/immobilier-le-cycle-de-hausse-touche-a-sa-fin-1239349

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